Le code de l’information en projet est déjà dépassé. Avant même que sa première mouture ne soit établie, l’article 144 bis révisé pose
les vrais termes du rapport pouvoir-presse.
La promesse d’imprimatur en prévention d’incitation à la violence dans les stades a déjà donné un avant-goût de l’esprit dans lequel ce projet de code est en train d’être conçu. Beau prétexte !
Les censeurs installés dans l’imprimerie se contenteraient-ils de ne lire que les articles sportifs ? Comme pour encourager la tutelle dans le sens d’une plus grande surveillance de l’édition,
le gouvernement vient de la conforter par un décret qui précise ses prérogatives de “régulation” du secteur de l’information.
La majoration de l’amende infligée au journaliste et le risque d’application de “contrainte par corps” en cas de non-paiement maintient le journaliste dans l’état de précarité judiciaire dans
laquelle il a toujours fonctionné. Finalement, le code pénal n’aura fait que s’adapter à l’évolution de la presse : la normalisation économique des entreprises de presse a réduit la
préoccupation de la ligne éditoriale à sa plus simple expression ; les éditeurs, moins impliqués dans la formulation de ligne que dans les questions de management général de leur affaire,
laissent plus d’espace d’initiative à leurs rédactions. Les journalistes y trouvent la possibilité d’exprimer leurs inclinations personnelles, parfois contrariantes pour un pouvoir qui ne
s’accommodera décidément jamais de la liberté de critiquer. Le souci dissuasif de la nouvelle loi en appelle donc au réflexe d’autocensure d’un journaliste désormais sous la menace d’une amende
excessive.
L’obsession strictement répressive et normalisatrice a toujours marqué l’approche officielle dans la réflexion sur l’encadrement de la fonction d’information. En l’état politique du pays, la
liberté d’expression n’est pas un acquis et constitue toujours un enjeu démocratique pour la société. L’opacité de la procédure d’autorisation d’éditer, fondé sur l’institution de l’agrément,
rappelle le principe de contrôle politique qui organise la relation du pouvoir à la fonction informative. Nul besoin de révision législative pour libérer le marché de la publicité publique ou
pour autoriser une gestion “dépolitisée” des entreprises publiques d’imprimerie.
La volonté politique se mesure, en effet, à la disponibilité à réparer les aberrations qui relèvent du simple arbitraire politique, bien avant d’en arriver au changement des lois dépassées.
Au moment où le régime prétend s’engager dans un processus de réformes démocratiques, la manière dont on envisage la révision du cadre juridique de la profession constitue une préfiguration des
progrès politiques que le pouvoir peut concevoir.
Mieux, par le maintien de l’article 144 bis, le législateur fixe les limites démocratiques du futur code de l’information et, partant, les limites mêmes des réformes politiques promises. L’état
de l’information informe, mieux que tout, sur l’état de la démocratie dans un pays. Or, en Algérie, le traitement que lui réservent les textes de récente conception n’est pas annonciateur d’une
évolution de la vision politique du pouvoir qui va réformer.
M. H.